La blockchain au service des fiduciaires : vers une traçabilité parfaite des actifs 

La blockchain au service des fiduciaires vers une traçabilité parfaite des actifs 

Dans un monde économique où la transparence, la sécurité des données et la conformité réglementaire sont devenues des enjeux cruciaux, la technologie blockchain s’impose progressivement comme un outil incontournable, bien au-delà des cryptomonnaies. Pour les fiduciaires, dont le rôle consiste à gérer et protéger des actifs pour le compte de tiers, cette innovation ouvre des perspectives inédites : registre inviolable, traçabilité renforcée, automatisation intelligente. Mais que signifie concrètement la blockchain pour le secteur fiduciaire ? Est-ce un simple effet de mode ou une véritable révolution en marche ?

Un registre décentralisé pour remplacer les livres de comptes traditionnels

Le cœur de la blockchain repose sur un registre décentralisé et infalsifiable – le ledger – qui enregistre toutes les transactions de manière chronologique et permanente. Pour une fiduciaire, cela signifie la possibilité de stocker des informations sensibles (mouvements d’actifs, modifications de bénéficiaires, flux financiers) de manière totalement transparente et sécurisée, tout en rendant ces données accessibles en temps réel aux parties autorisées (clients, notaires, autorités fiscales…).

Dans la pratique, la blockchain peut venir compléter ou remplacer les livres de comptes manuels ou numériques, tout en apportant une garantie supplémentaire : celle que les écritures n’ont pas été modifiées, effacées ou altérées. Chaque opération devient ainsi un bloc validé par le réseau, cryptographiquement lié au précédent, impossible à falsifier sans alerter l’ensemble du système.

Étude de cas : une fiduciaire suisse trace un portefeuille immobilier

Prenons l’exemple d’un test pilote lancé à Genève en 2023 par une fiduciaire spécialisée dans la gestion patrimoniale immobilière. L’entreprise, en partenariat avec une start-up blockchain, a décidé de tracer l’ensemble des mouvements liés à un portefeuille de biens résidentiels : actes notariés, entrées/sorties locatives, travaux, réévaluations, baux, rendements.

Chaque action ou décision est horodatée et inscrite sur une blockchain privée, accessible uniquement aux parties prenantes autorisées (propriétaires, fiduciaire, avocats). Résultat : un historique complet, certifié et consultable à tout moment, qui simplifie la reddition de comptes, la préparation fiscale et les litiges potentiels.

Ce système permet également d’automatiser certaines tâches grâce aux smart contracts (contrats intelligents) : par exemple, déclencher automatiquement le paiement d’un prestataire après validation d’un rapport d’intervention, ou ajuster une commission selon des règles préétablies.

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Les bénéfices concrets pour les fiduciaires

1. Transparence accrue

Grâce à l’immutabilité du registre, chaque opération est vérifiable. Cela permet de renforcer la confiance des clients, souvent méfiants vis-à-vis des structures opaques.

2. Gain de temps

Fini les vérifications croisées fastidieuses, les pertes de documents ou les doubles saisies. Le système enregistre tout de manière automatique et horodatée, ce qui facilite les audits et les reportings.

3. Réduction des fraudes

Le caractère infalsifiable de la blockchain permet de détecter immédiatement toute tentative de manipulation ou d’omission volontaire.

4. Sécurité renforcée

Les données sont cryptées et distribuées, rendant leur vol ou leur suppression pratiquement impossibles.

Les obstacles juridiques et réglementaires à ne pas négliger

Si les avantages sont évidents, l’intégration de la blockchain dans le secteur fiduciaire ne va pas sans poser de problèmes juridiques et réglementaires, notamment en Suisse et dans l’Union européenne.

● Le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données)

Le RGPD exige que les données personnelles puissent être modifiées ou supprimées à la demande d’un individu. Or, la blockchain, par définition, ne permet pas l’effacement. Certaines solutions émergent, comme le stockage hors chaîne (off-chain) des données personnelles, ou l’encryptage des informations qui peut être « neutralisé » en cas de demande d’effacement, mais le sujet reste complexe.

● La responsabilité du fiduciaire

Dans un système automatisé, qui porte la responsabilité en cas d’erreur ou de bug d’un contrat intelligent ? Le fiduciaire demeure légalement responsable devant les tiers, même si la technologie exécute des actions à sa place. Cela nécessite des précautions contractuelles strictes.

● Régulation en évolution

En Suisse, la FINMA (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers) a commencé à encadrer certaines applications blockchain, mais le domaine reste jeune et mouvant. Dans l’UE, la réglementation MiCA (Markets in Crypto-Assets) pose des bases, mais ne couvre pas encore toutes les utilisations non financières de la blockchain. Les fiduciaires devront donc suivre de près l’évolution de ce cadre légal.

Une révolution silencieuse, mais inévitable

La blockchain ne va pas remplacer du jour au lendemain les outils traditionnels de gestion fiduciaire, mais elle offre un potentiel immense pour ceux qui veulent allier innovation, conformité et efficacité. À terme, il est fort probable que les clients les plus exigeants demanderont à ce que leur patrimoine soit géré avec des outils transparents, auditables et technologiquement avancés.

De plus, dans un monde où la dématérialisation progresse (actes notariés numériques, titres de propriété digitalisés…), la fiducie numérique devient un horizon crédible. Et ceux qui sauront l’anticiper dès maintenant auront une longueur d’avance.

La blockchain appliquée à la gestion fiduciaire ne se résume pas à un effet de mode ou à une fascination pour les cryptos. C’est une opportunité stratégique pour renforcer la confiance, améliorer les processus, et préparer l’avenir d’une profession en mutation. Encore faut-il savoir l’intégrer avec rigueur, éthique… et anticipation.

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